Élection présidentielle au Paraguay : l’hégémonie du parti conservateur menacée


Le Paraguay vote dimanche pour élire son président, lors d’un scrutin très serré qui menace soixante-dix ans d’hégémonie de la droite et oppose deux favoris : le candidat du Parti Colorado au pouvoir, Santiago Pena, et l’avocat social-libéral Efrain Alegre, à la tête d’une coalition de centre-gauche. 

Tiraillé entre vitalité économique et corruption endémique, le Paraguay élit dimanche 30 avril son président, lors d’un scrutin très serré qui menace, pour la première fois en soixante-dix ans, l’hégémonie du Parti conservateur Colorado.

Santiago Peña, un économiste de 44 ans, héritier du parti au pouvoir depuis quasiment 76 ans, et Efrain Alegre, un avocat social-libéral de 60 ans à la tête d’une coalition de centre-gauche, sont les deux favoris, dans un coude à coude d’une rare incertitude, selon les sondages. L’élection se joue sur un seul tour.

Derrière eux, un candidat “anti-système”, Paraguayo Cubas, au discours radical, anti-parlementaire, qui a connu ces dernières semaines une percée remarquée, avec jusqu’à 20 % des intentions de vote.

Une défaite du plus que centenaire Colorado marquerait un basculement de plus à gauche pour un pays d’Amérique latine, dans la lignée d’une vague dite “rose”, ces quatre à cinq dernières années, qui a vu des alternances du Mexique au Chili ou encore de la Colombie au Brésil.

Les questions sociales ont fait partie des thèmes de la campagne, tant le “petit” Paraguay (7,5 millions d’habitants, mais plus vaste que l’Allemagne) offre un fort contraste.

Puissance agricole (soja, viande), gros exportateur d’électricité (barrage géant d’Itaipu cogéré avec le Brésil), sa santé macroéconomique (4,5 % de croissance prévus en 2023, trois fois plus que l’Amérique latine) masque de durables inégalités (24,7 % de pauvres) et une santé publique défaillante.

“Pas de proposition sérieuse pour les pauvres”

“Ça ne m’intéresse pas. On n’ira pas voter”, assénait Albino Cubas, habitant d’un “bañado”, ces bidonvilles régulièrement inondés sur les berges du Paraguay à Asuncion. “Il n’y pas une proposition sérieuse pour les pauvres. Aucun candidat ne nous servira.”

“Le pays est plein de privilégiés. Des gens gagnent 100 millions de guaranis (14 000 dollars) par mois quand en même temps d’autres meurent de faim”, s’indigne Efrain Alegre, qui envisage une réforme fiscale égalitariste, mais d’abord une cure d’austérité du secteur public.

Jadis militant contre la dictature d’Alfredo Stroessner (1954-1989), deux fois déjà candidat à la présidence (2013, 2018), Efrain Alegre se pose en pourfendeur de “la mafia” clientéliste Colorado “liée au crime organisé”, un système à présent “effondré” selon lui.

La corruption a elle aussi pesé dans l’élection – le pays est 137e sur 180 dans le classement de l’ONG Transparency International.

Les deux principaux candidats entendent bien la combattre, mais Santiago Peña a dû se défendre du stigmate pesant sur son mentor, l’ex-président (2013-2018) et magnat du tabac Horacio Cartes, que Washington a officiellement qualifié en 2022 de “significativement corrompu” et interdit d’entrée ou de transactions aux États-Unis.

Car dans un Paraguay aux frontières poreuses (enclavé entre Brésil, Argentine et Bolivie), lieu de transit majeur de la cocaïne andine, la corruption gangrène, et tue désormais aussi : un procureur anti-blanchiment, un maire anti-drogue, un journaliste, ont été assassinés en 2022.

Dans un pays à 90 % catholique, à forte influence guaranie (langue amérindienne officielle, au même titre que l’espagnol) les deux principaux rivaux se rejoignent sur les thèmes sociétaux, tous deux par exemple opposés au mariage pour tous et à l’avortement.

Seul pays d’Amérique du Sud à reconnaitre Taïwan

“Nous sommes une société conservatrice, c’est profondément enraciné en nous (…) et nous rend prudents face aux grands changements de société”, assume Santiago Peña, qui se présente en garant des traditions et de la famille, face à un monde “déshumanisé”.

À des années-lumières des préoccupations des Paraguayens, le scrutin pourrait avoir aussi un impact géopolitique marginal.

S’il est élu, Efrain Alegre a en effet indiqué qu’il “analyserait” le devenir des relations d’Asuncion avec Taipei, au nom de l’intérêt commercial supérieur que revêtirait un partenariat avec la Chine. Le Paraguay est l’un des 13 États au monde – et le seul d’Amérique du Sud – qui reconnaît officiellement Taïwan.

Santiago Peña, pour sa part, a indiqué qu’il transfèrerait – de nouveau – l’ambassade paraguayenne en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem. Le président Cartes l’avait déjà fait en 2018, avant que son successeur Mario Abdo Benitez ne revienne sur le transfert quelques mois plus tard.

Quelque 4,8 millions d’électeurs sont appelés à élire président, vice-président, députés, sénateurs, et 17 gouverneurs provinciaux. Les résultats devraient être connus environ trois heures après la fermeture à 20 h GMT des bureaux de vote.

 

 

 

 

Avec AFP 


IZINDI NKURU

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