Un symbole des violences policières devant la justice. Le principal policier accusé d’avoir blessé Théo Luhaka à l’anus avec une matraque lors d’un contrôle d’identité en 2017 est jugé à partir de mardi. Il encourt jusqu’à 15 ans de prison. D’éventuelles sanctions disciplinaires seront prononcées contre cet agent toujours en activité. Deux autres policiers comparaissent sur le banc des accusés.
L’affaire avait fait grand bruit en France il y a presque sept ans. Trois fonctionnaires de police comparaissent à partir de mardi 9 janvier devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis pour l’interpellation violente en 2017 à Aulnay-sous-Bois de Théo Luhaka, grièvement blessé à l’anus par une matraque télescopique.
Le jeune homme noir, âgé de 28 ans, en garde des séquelles irréversibles. Ce qui a pour conséquence de renvoyer les trois gardiens de la paix impliqués dans son interpellation sur le banc des accusés, fait rare dans ce genre de dossier.
Le principal mis en cause, Marc-Antoine Castelain, 34 ans, est poursuivi pour des violences volontaires ayant entraîné une “infirmité permanente” sur la victime, avec les circonstances aggravantes de sa qualité de personne dépositaire de l’autorité publique, avec arme et en réunion. Il encourt jusqu’à 15 ans de prison.
Le policier avait d’abord été mis en examen pour viol, mais la qualification n’avait pas été retenue faute d’éléments suffisamment caractérisés lors de l’instruction.
Le contrôle d’identité dégénère
Les deux autres accusés, Jérémie Dulin, 42 ans, et Tony Hochart, 31 ans, sont aussi jugés pour violences volontaires avec circonstances aggravantes.
Le 2 février 2017, peu avant 17 h, un équipage de quatre fonctionnaires de la BST (brigade spécialisée de terrain) d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) décide d’effectuer un contrôle sur un groupe de jeunes dans la cité des 3 000. La vérification des identités va rapidement dégénérer.
Et c’est la vidéosurveillance qui va faire basculer l’affaire et provoquer l’émoi jusqu’au sommet de l’État. Le président François Hollande ira rendre visite à Théo Luhaka pendant sa convalescence à l’hôpital.
L’interpellation du jeune homme, alors âgé de 22 ans, est captée par les caméras de la ville et les images sont partagées sur les réseaux sociaux.
Alors qu’il est dos au mur et pris en étau par Jérémie Dulin et Marc-Antoine Castelain, ce dernier porte un violent coup avec la pointe de son bâton télescopique de défense (BTD) à travers le caleçon du jeune homme, qui s’effondre. Le coup provoque une rupture de son sphincter.
“Un usage disproportionné de la force”
Interpellé et emmené au commissariat d’Aulnay-sous-Bois pour être placé en garde à vue, Théo Luhaka présente un important saignement au niveau des fesses et va être transporté par les secours à l’hôpital où il va subir une intervention chirurgicale en urgence.
L’enjeu du procès sera d’établir s’il y a eu ou non un usage proportionné de la force. Un collège d’experts indiquait que “le geste d’estoc effectué par le policier utilisateur était conforme aux pratiques professionnelles enseignées”.
À lire aussiFrance : le quartier à Nanterre de Nahel, tué par un policier, reste uni dans le deuil
“Mon client a effectué un geste enseigné en école et qualifié de légitime par plusieurs experts pendant l’enquête, pour aider deux de ses collègues en difficulté face à un jeune homme robuste qui se rebellait et qu’il n’a jamais eu l’intention de blesser”, a commenté auprès de l’AFP Me Thibault de Montbrial, avocat de Marc-Antoine Castelain, auteur du coup de matraque.
Une enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a pourtant conclu à “un usage disproportionné de la force”. Dans son rapport, la “police des polices” établit également que “les deux violents coups d’estoc du BTD” sont portés à un moment où “Théo Luhaka ne commet pas d’atteinte envers l’intégrité physique des policiers interpellateurs”.
Les trois policiers sont toujours en activité
Depuis sa grave blessure, il vit avec un “sentiment de honte”, confie un proche. “J’ai l’impression que ce qui m’est arrivé, c’était hier. Je n’avance pas”, a confié Théo Luhaka, dans le Parisien, qui ne souhaite “pas faire le procès de la police”.
“Les violences qui ont occasionné un tel préjudice ne peuvent recevoir aucune justification. L’enjeu du procès : dire et juger que les termes violences et policiers ne sont pas et ne seront jamais conciliables”, estime son avocat, Me Antoine Vey.
Le juge d’instruction, l’enquête de l’IGPN et les investigations indépendantes du Défenseur des droits vont aussi mettre en exergue des tirs de gaz lacrymogène, ainsi que des coups de genou et de poing portés par les gardiens de la paix Dulin et Hochart quand la victime était menottée au sol.
Sur le plan administratif, d’éventuelles sanctions disciplinaires seront prononcées “à l’issue de l’instance judiciaire”, indique la préfecture de police. Les trois policiers sont toujours en activité.
Le procès doit durer dix jours. Le verdict est attendu le 19 janvier.
Avec AFP