Les négociations pour discuter de mesures concrètes pour lutter contre la pollution plastique ont débuté lundi au Kenya. Un large consensus existe sur la nécessité d’un traité, mais les positions divergent entre les différents pays, les défenseurs de l’environnement et les industriels du plastique.
Des représentants de 175 pays se réunissent dès lundi 13 novembre, à Nairobi, au Kenya, pour négocier des mesures concrètes pour lutter contre la pollution plastique, malgré les nombreuses divergences entre les parties prenantes. Les pays s’étaient mis d’accord en 2022 pour finaliser, d’ici fin 2024, un premier traité mondial pour lutter contre le fléau des plastiques.
L’enjeu est de taille alors que le plastique, issu de la pétrochimie, est partout : des déchets se retrouvent déjà au fond des océans et au sommet des montagnes. Des microplastiques ont aussi été détectés dans le sang ou le lait maternel.
Réduire la production ou améliorer la gestion des déchets ?
“Je déclare ouverte la troisième session de l’INC (Comité international de négociations, NDLR) sur la pollution plastique”, a annoncé le président du comité de l’ONU-Environnement, Gustavo Meza-Cuadra Velasquez, avant de donner un coup de marteau, marquant le début de négociations dans la capitale kényane Nairobi qui prendront fin dimanche.
“La pollution plastique continue d’inonder nos océans, de nuire à la faune et de s’infiltrer dans nos écosystèmes. Cela constitue une menace directe pour notre environnement, la santé humaine et l’équilibre délicat de notre planète”, a-t-il également mis en garde.
Les négociateurs se sont déjà réunis à deux reprises, mais le rendez-vous à Nairobi, siège du programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), constitue la première occasion de débattre d’un projet de traité publié en septembre qui dessine les nombreuses voies permettant de résoudre le problème du plastique.
Mais deux points de vue s’opposent entre les partisans d’un traité contraignant, visant à “restreindre et réduire la consommation et la production” de plastique et ceux plaidant plutôt pour mettre en avant une meilleure gestion des déchets.
Préalablement aux discussions à Nairobi, une soixantaine de pays – emmenés par le Rwanda, la Norvège et l’Union européenne – ont ainsi appelé à “des dispositions contraignantes” dans ce traité.
“Celui-ci n’existe que parce que la société civile et les ONG se sont mobilisées, donc il doit être contraignant, sinon on continuera à avoir de la pollution partout dans nos océans”, a affirmé, lundi matin sur France Inter, Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la Mer, soulignant la “position ambitieuse” de la France, qui “fait partie des pays qui ont rejoint une coalition à haute ambition lancée par le Rwanda, l’un des premiers pays du monde à avoir interdit les sacs plastiques”.
Mais cette position n’est pas partagée par les pays membres de l’Opep et les États-Unis qui sont réticents à envisager cela et militent en faveur du recyclage et d’une meilleure gestion des déchets.
“Il y a deux types de pays qui ont beaucoup à perdre : les producteurs de plastique comme l’Arabie saoudite, et des pays qui ont fondé leur mode de vie sur le plastique, comme les États-Unis”, a ainsi réagi Sabine Roux de Bézieux. “Les Américains consomment, par habitant et par an, quatre fois plus de plastique que l’habitant moyen de la planète”, poursuit-elle. “Dans le monde, on consomme 60 kg par an et par habitant ; en Europe, 120 kg ; et aux États-Unis, 240 kg”.
À lire aussiLutte contre la pollution plastique : “Nous ne nous en sortirons pas par le recyclage”
Seulement 9 % de plastiques recyclés
La pollution plastique devrait s’aggraver. La production annuelle a plus que doublé en vingt ans pour atteindre 460 millions de tonnes et pourrait tripler d’ici à 2060 si rien n’est fait. Or, seulement 9 % des plastiques sont recyclés. “Si l’on n’arrête pas cette courbe insensée, les prévisions de l’OCDE nous disent qu’en 2050, nous fabriquerons 1,2 milliard de tonnes de plastique par an”, insiste Sabine Roux de Bézieux.
Le plastique joue également un rôle dans le réchauffement climatique : il représentait 3,4 % des émissions mondiales en 2019, chiffre qui pourrait plus que doubler d’ici à 2060, selon l’OCDE.
L’infographie complète est à retrouver iciL’addiction mondiale au plastique et ses conséquences, en dix chiffres
Les négociations de Nairobi interviennent à quelques semaines du coup d’envoi de la COP28 sur le climat aux Émirats arabes unis dont le dessein est de parvenir à une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’aider les pays en développement à faire face aux conséquences du changement climatique, après une année marquée par des événements météorologiques dévastateurs.
Les pays riches ont historiquement pollué davantage et ont exporté pendant des années leurs déchets vers les pays les moins développés.
La réunion de Nairobi est la troisième des cinq sessions d’un processus accéléré visant à conclure les négociations l’année prochaine. Après la capitale kényane, les négociations doivent se poursuivre en avril 2024 au Canada pour se conclure en Corée du Sud en fin d’année 2024.
Lors des dernières négociations à Paris en juin, des défenseurs de l’environnement ont accusé les grands pays producteurs de plastique de faire traîner en longueur les discussions.
Avec AFP