Le crash de l’avion présidentiel dans la nuit du 6 avril 1994 constitue le détonateur et non la cause du génocide des Tutsi. Immédiatement après cet attentat, le génocide est déclenché à partir de Kigali et ne tarde pas à gagner d’autres régions du pays.
En attendant les résultats d’une enquête ordonnée par le gouvernement rwandais, nombreux sont ceux qui pensent que les planificateurs du génocide ont trouvé dans la mort du président une précieuse occasion de passer au massacre généralisé des Tutsi ainsi qu’à l’élimination physique et idéologique des Hutu de l’opposition.
Aux environs de 21 heures, dans la nuit du 6 avril 1994, la ville de Kigali fut plongée dans la désolation. Le massacre des Tutsi et des personnalités politiques de l’opposition fut entrepris.
Sous prétexte de venger le président Habyarimana, des soldats du bataillon de paracommandos et des miliciens de la mouvance présidentielle se lancèrent immédiatement dans des actes de traque des civils tutsi et des membres de l’opposition, ils s’attaquèrent à leurs domiciles qu’ils détruisirent avant d’en tuer les occupants. Le récit de Joseph Ngarambe est, à cet égard, caractéristique.
La peur et la confusion gagnaient les esprits pendant que la désignation et le massacre des victimes étaient conduits simultanément. Dès les premières heures de la matinée du 7 avril, les principales personnalités de l’opposition politique étaient tuées avec, pour la plupart, leur famille . D’autres militaires, ainsi que des miliciens Interahamwe et Impuzamugambi, s’engageaient massivement dans le massacre des Tutsi.
À la mi-journée du 7 avril 1994, le mouvement génocidaire gagnait diverses régions du pays : la ville de Gisenyi, les régions de Bunyambo, de Busogo, de Busasamana, de Mudende, de Muramba, de Kivumu et de Rambura au nord et au nord-ouest du pays ; les régions de Ruhuha, de Sake, à l’est et au sud-est du pays ; à Murambi, au nord-est de Kigali ; à Muko, dans la préfecture de Gikongoro et dans la préfecture de Cyangugu, au sud-ouest du pays.
Cette généralisation du massacre répondait à un double objectif : le massacre des Tutsi et la destruction de l’opposition politique interne pour faire triompher l’ethnisme comme la seule forme viable d’organisation politique et sociale.
Elle avait également pour but de pousser le FPR à reprendre les hostilités pour faire échouer définitivement les accords d’Arusha signés le 4 août 1993 . La reprise des hostilités par le FPR, au lendemain du déclenchement du massacre généralisé des Tutsi et des Hutu de l’opposition, permettait aux idéologues et animateurs du génocide de l’accuser de la mort du président et de légitimer l’élimination des Tutsi présentés comme ses complices de l’intérieur.
La formation d’un nouveau gouvernement extrémiste, le 8 avril 1994, facilita le plan des idéologues du génocide Gérard Prunier, Rwanda (1959-1994). Histoire d’un génocide,…. Dès leur entrée en fonction, les nouvelles autorités s’employèrent à permettre au génocide de s’étendre et de se réaliser avec efficacité.
C’est dans ce contexte que les régions méridionales et centrales du pays furent entraînées dans la violence génocidaire à partir du 9 avril 1994.
En installant un gouvernement qui comprenait des personnalités du Sud et du Centre du pays, les organisateurs du génocide au niveau national, en l’occurrence les membres du Réseau Zéro, visaient la soumission de ces régions et leur basculement dans l’engrenage génocidaire.
André Guichaoua rend compte du mobile de la promotion de certaines personnalités du sud du pays, comme le président Sindikubwabo et le Premier ministre Jean Kambanda, dans le gouvernement intérimaire.
À partir du 12 avril 1994, ces autorités ameutèrent la population contre les Tutsi qu’elles accusaient de vouloir exterminer les Hutu. Le 17 avril, la préfecture de Butare, qui seule avait résisté jusque-là, tomba dans l’engrenage génocidaire après que son préfet, Jean-Baptiste Habyalimana, eut été démis et remplacé par Sylvain Nsabimana.
Lors de l’investiture de ce dernier, le président intérimaire Théodore Sindikubwabo s’employa, dans son discours, à convaincre la population de l’utilité des instructions des autorités et de procéder au plus vite à l’extermination des Tutsi.
AVEC umuringanews.com